« le paradis ici semble côtoyer l’enfer » – Mark Twain
Avec plus de 300 000 visiteurs par an, Port Arthur en Tasmanie est un site touristique majeur. Il est vrai que la vue des ruines d’un vieux pénitencier dans un cadre idyllique ne laisse pas indifférent, encore moins lorsqu’on connait la vie de ceux qui ont vécu ici.
Port Arthur ou l’enfer est au bout du chemin…
Il faut cent dix kilomètres environ pour aller de Hobart, la capitale tasmanienne, à Port Arthur. Cent dix kilomètres à voyager sur une route normalement verdoyante, mais dont beaucoup de forêts et de maisons ont été détruites lors des incendies de décembre 2012. C’est donc bien avant Port Arthur qu’au volant de ma petite voiture de location j’ai pu ressentir la désolation de ce bout de terre du Sud de la Tasmanie. Oui, Mark Twain avait raison, la nature luxuriante est ici magnifique mais en total désaccord avec ce que l’Homme a pu y construire.
45 ans de bagne !
L’Histoire de la colonisation australienne est pleine de contradictions : depuis l’indépendance des Etats-Unis en 1776, l’Angleterre de l’époque voulait trouver une nouvelle terre d’asile pour ses délinquants les plus dangereux. L’Australie fut donc choisie et c’est en 1832 que Port Arthur en Tasmanie fut créé. Pendant 45 ans, des milliers de prisonniers (12 500) y furent amenés par bateaux.
Le traitement qu’ils reçurent alors n’avait rien de paradisiaque : travaux pénibles allant jusqu’à l’épuisement, isolement dans des petites cellules pendant plusieurs jours. S’échapper de ce lieu idyllique relevait de l’impossible : si une belle mer bleue leur faisait face, elle était glaciale et infestée de requins ; si de belles forêts les entouraient, il fallait savoir s’y nourrir pour survivre.
L’île de la Mort
C’est donc empreint d’une certaine gêne que je commençais la visite de ce lieu historique en ce matin de janvier 2013. Dès mon arrivée, j’embarquais dans le bateau touristique menant à l’Island of the Dead (l’île de la Mort), où plus d’un millier de condamnés furent enterrés il y a près de 2 siècles (la légende veut qu’un des prisonniers y vivait constamment avec pour unique mission de creuser des tombes). Aujourd’hui, la beauté paisible de ces îles contrastent encore avec les 60 bâtiments ocres du centre pénitencier de la rive opposée.
Un passé colonial difficile
La cinquantaine de bâtiments qui entourent la prison principale de Port Arthur rappellent un passé colonial difficile en Tasmanie : il suffit de tendre l’oreille pour comprendre que le silence ici n’a pas toujours été choisi. Il est encore plus pesant dans la Separate Prison, construite vers 1850 et destinée à isoler les prisonniers dans de minuscules cellules. Des haut-parleurs diffusent d’ailleurs des bruitages rappelant la vie de l’époque : bagnards qui toussent, bruits de chaines…
Les murs de silence de Port Arthur
Port Arthur en Tasmanie n’est pas qu’une simple colonie pénitentiaire. C’est un symbole fort de l’histoire de la Tasmanie et plus encore de l’Australie. Les bagnards ont en effet participé à la construction des premières villes tasmaniennes et des routes qui sillonnent encore l’île aujourd’hui. Ils sont bien souvent la mémoire d’un peuple qui assume génération après génération les erreurs d’un passé colonial difficile. Port Arthur porte ce souvenir, dans ces murs et dans son coeur.