« Depuis quarante ans, j’ai un peu couru toutes les mers de l’Ancien et du Nouveau Continent (…) Eh bien, maintenant qu’est venu l’âge de la retraite, je ne pouvais désirer mieux que d’être le gardien d’un phare, et quel phare !… Le Phare du bout du Monde !… »
Trois gardiens et un phare du bout du monde
C’est donc sur l’île des Etats, située à la pointe de la Terre de Feu en Argentine, que se retrouvent trois hommes pour veiller sur le Phare du bout du monde. Le temps n’est pas mauvais, l’été austral encore présent. Sur l’île, la flore sauvage est rare et dans le ciel, quelques albatros et des goélands abrègent le silence des hommes par leurs cris stridents. L’isolement est total. Mais ces trois marins sont habitués à la vie solitaire. La monotonie de leur quotidien ne leur fait pas peur. Et les rituels rassurent : allumer le phare, surveiller chaque nuit son bon fonctionnement, manger, se reposer. Leur rôle est primordial : si le service du phare s’arrête, c’est le naufrage assuré pour les navires ayant entrepris de traverser cette zone maritime dangereuse.
Après avoir été déposés sur l’île pour veiller sur ce phare nouvellement construit, les trois hommes s’habituent très vite à leur nouvelle vie et se pensent seuls au monde sur cette île inhospitalière. Jusqu’à ce que, lors d’une chasse sur l’île, une autre balle que la leur fut tirée au loin. Les gardiens du Phare du bout du monde n’étaient pas les seuls humains présents sur cette terre.
Le roman prend alors son élan : le vieux Vasquez, l’un des trois gardiens, va se retrouver seul à lutter contre une bande de pirates sans scrupules. Pourra-t-il se sauver et lutter seul contre ses hommes dangereux ? Arrivera-t-il à sauver le Phare du bout du monde et assurer la sécurité des navires en mer ?
Le dernier roman de Jules Verne
Ce roman de Jules Verne fut écrit en 1901, quatre ans avant la mort de l’auteur. Il a été ensuite modifié en partie par son fils avant d’être publié dans sa version actuelle. On retrouve bien sûr le style de l’auteur principal, avec de longues tirades historiques, techniques et scientifiques. Mais l’intrigue est bien là, le scénario prend forme après les premiers chapitres et le roman reste agréable à lire pour les amateurs du genre. Un film s’inspirant de ce livre a d’ailleurs été tourné en 1971 avec Kirk Douglas dans le rôle de Vasquez.
Le vrai phare du bout du monde n’est pas une légende
S’il situe son roman en 1859, Jules Verne s’est inspiré de la véritable histoire du Phare du bout du monde de l’île des Etats en Argentine, inauguré le 25 mai 1884. A l’époque, le but de ce phare était de protéger les marins lors de la navigation dans les eaux dangereuses où le Pacifique rencontre l’Atlantique. Ironie du sort, le phare sera abandonné quelques années plus tard. Il faudra attendre un siècle, en 1993, pour qu’un aventurier rochelais, André Bronner, le redécouvre et participe à sa reconstruction.
Jules Verne était connu pour être un auteur très documenté sur l’actualité scientifique de son époque. Ce roman pourtant déroge à la règle. Voici comment celui-ci décrivait le phare :
« La tour était d’une extrême solidité, bâtie avec les matériaux fournis par l’île des Etats. Les pierres d’une grande dureté, maintenues par des entretoises de fer (…) formaient une paroi capable de résister aux violentes tempêtes. (…) Ainsi que l’avait dit Vasquez, le vent ne l’emporterait pas, cette tour. »
Le phare original a été construit en bois (et non en pierre) sur un promontoire rocheux à 70 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cela explique certainement sa ruine rapide face aux éléments déchainés de cette partie du globe. Si vous voulez voir à quoi il ressemblait, je vous invite à aller découvrir sa copie située dans les eaux de la ville de La Rochelle en France.
« Là-bas, sur le rivage, une lumière jaillit, dont le reflet dansa dans le sillage. Et l’aviso, s’éloignant sur la mer assombrie, semblait emporter avec lui quelques-uns des rayons innombrables que projetait de nouveau le Phare du bout du Monde. »
De nos jours, l’île des Etats et son Phare du bout du monde doivent encore beaucoup ressembler à l’univers du roman de Jules Verne : depuis la reconstruction du phare en 1998, le site a été classé en monument historique. Un deuxième phare fonctionne également à un autre endroit de l’île. Les seuls résidents sont quatre marins argentins chargés de surveiller militairement la zone maritime. Un isolement récompensé par la vue quotidienne du célèbre Phare du bout du monde.
