J‘ai réveillé le tigre

Un livre de Sarah Marquis

Les titres de livres sont parfois explicite. Celui de Sarah Marquis, « J’ai réveillé le tigre » l’est certainement moins que son sous-titre « Tasmanie, épreuve initiatique dans l’Ouest inexploré ». Car Sarah Marquis, nommée par le National Geographic « aventurière de l’année » en 2014, n’en est pas à sa première aventure australienne : déjà en 2000, elle avait parcouru pendant 17 mois plus de 14 000 km en réalisant son tour d’Australie à pied. 18 ans plus tard, elle part pour trois mois d’aventure en Tasmanie, fascinée et attirée par le mythique thylacine, ou tigre de Tasmanie.

« Au tigre de Tasmanie. Cache-toi encore longtemps ! Ne laisse pas les humains t’approcher, laisse tes yeux vagabonder la nuit seulement et lave-toi un peu plus, ça te sauvera la vie. »

Sarah Marquis
Vallée du parc national de Cradle Mountain-Lake St Clair en Tasmanie

Un an de préparation avant le grand départ

Si cette expédition fut préparée pendant plusieurs mois (avec son frère, son fidèle co-équipier), Sarah Marquis sait que le bush tasmanien ne ressemble pas au bush des déserts rouges qu’elle a connu en Australie. Ici, pas d’aborigènes pour glaner des infos de survie, ils ont malheureusement disparu depuis longtemps. Elle compte sur la pêche pour se nourrir et se renseigne sur les dangers possibles (sangsues, serpents…) de son parcours. Son inquiétude principale : la nourriture. Il lui faut en effet trois mois de nourriture avec elle pour qu’elle puisse terminer son périple. La plupart des aliments seront donc séchés et lui seront amenés à des points de ravitaillement.

Dans les forêts primaires de Tasmanie

Très peu de personnes ont foulé le chemin que va prendre Sarah Marquis. Elle commence son périple dans la forêt primaire située au Sud-Ouest de la Tasmanie, au pied d’arbres centenaires. Puis elle combat la pluie, traque les points d’eau, traverse les rivières et se protège de l’orage et des vents violents. La nature est sauvage, parfois agressive (les frelons, les serpents tigres…). Sarah fait quelques rares rencontres humaines, elle qui a passé plus de la moitié de sa vie en pleine nature. La solitude, c’est aussi l’introspection, et savoir ce qui est important dans les rencontres :

«  Toutes les personnes que j’ai croisées aux quatre coins du monde m’ont affectée à des degrés différents, tous les lieux où j’ai posé mes pas, tous les troncs et rochers où j’ai déposé mon sac à dos m’ont construite à leur manière. »

Arbres centenaires du bagne de Port Arthur, au Sud-Est de la Tasmanie

L’odeur du tigre…

Après son premier ravitaillement, Sarah Marquis reconnait une odeur : celle du tigre. Le rêve d’une rencontre avec le thylacine va-t-il devenir une réalité ? N’est-ce pas plutôt son esprit qui lui joue des tours ? car si elle a rencontré quelques créatures pendant ce début d’expédition, ce sont des animaux connus : un petit diable de Tasmanie, des chats marsupiaux à queue tachetée, des wombats…

« Ce décor possède un je-ne-sais-quoi de préhistoriques. (…) Je veux retrouver la cabane où le dernier tigre de Tasmanie a été capturé. »

Et Sarah Marquis l’aventurière la trouvera dans cette forêt primaire encore intacte, plusieurs décennies après sa construction. C’est ici que le dernier tigre de Tasmanie a été capturé et transféré au zoo de Hobart. Ici que le souvenir du tigre est le plus présent. Jusqu’à ce que…

La scène n’aura duré que quelques secondes. Un oiseau poursuivi par une bête, une tête entre-aperçue parmi la végétation. Cet animal n’avait rien de connu, ce ne pouvait être que lui…

Le tigre de Tasmanie (« Tasmanian Tiger », appelé encore thylacine ou loup de Tasmanie) a été chassé par les premiers européens dès leur arrivée sur l’île et a disparu depuis 1936. Si vous voulez savoir à quoi il ressemblait, prenez le corps d’un loup avec la tête et le pelage d’un tigre. Etrange créature qui vivait principalement la nuit et que l’on peut encore observer aujourd’hui sur les peintures rupestres des aborigènes et sur quelques rares photos. Certains croient encore à sa survie, assurant l’avoir croisé en forêt.

La chute finale : le réveil du tigre…

Sarah Marquis n’avait certainement pas imaginé lors de cette nouvelle aventure que son pire ennemi serait la pluie. Toujours présente, à faible ou gros volume, elle poursuit l’aventurière depuis le début de son expédition. Au bord d’un ravin, un affaissement : Sarah et son sac à dos font une chute de plusieurs mètres. L’épaule est touchée, mais Sarah est toujours en vie. Le courage est là mais n’est pas suffisant pour lutter contre la douleur, et les secours viennent la chercher quelques jours plus tard. Au bout d’une semaine d’hôpital, elle reprend son chemin avec une attelle… toujours à la recherche de son tigre tasmanien.

« Combien de fois ai-je ouvert ma tente le matin en espérant découvrir autre chose que de la pluie ! (…) Mais ce qui m’attendait au fin fond des forêts primaires de Tasmanie a dépassé tout cela. »

Le 13 avril 2018, Sarah Marquis arrive au bout de son périple. S’en suivra une convalescence méritée… C’est en 1936 que le dernier tigre de Tasmanie s’éteignait au zoo d’Hobart en Tasmanie, et Sarah gardera à jamais le souvenir d’avoir peut-être réveillé le tigre.

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