A coups redoublés

Un livre de Kenneth Cook

A coups redoublés (« Bloodhouse ») est un des romans les plus « noirs » que j’ai pu lire de Kenneth Cook, une grande référence de la littérature australienne contemporaine. L’auteur, maniant habituellement avec dextérité l’ironie et la dérision pour décrire ses contemporains australiens, relate ici les faits, rien que les faits, d’un samedi soir festif qui tourne mal dans un pub isolé du bush australien.

Silverton Hotel, pub australien très célèbre du centre de l'Australie
Silverton Hotel, pub australien très célèbre du centre de l’Australie.

Quand Mick, John et Peter se retrouvent au pub…

Tout commence par cette citation-boutade :

Bien que le vin m’ait souvent trahi
Et déshonoré au regard des hommes,
Le sort du tavernier ne cesse de m‘émerveiller.
Que peut-il acheter de meilleur qu‘il ne vend ?

Mick est un homme d’âge mûr et a la stature d’un footballeur australien. Accompagné de sa femme Jenny et de leur matou Mol, il est devenu récemment le patron d’un hôtel situé sur les bords de mer à quelques heures de Sydney, un lieu de passage qualifié « d’incontournable pour bien des désenchantés ». Excellent gérant, il respecte à la lettre la devise du tavernier australien : « Tu refuseras de servir un homme seulement s’il menace de tout casser. ».

John Verdon travaille quant à lui à l’abattoir local. Il fait partie de ces experts de la carcasse bovine bien exécutée. Son quotidien est rythmé de petits et grands plaisirs très « testotéronés » : taper sur les bestiaux, se taper des bières et des filles.

Quant à Peter Watts, jeune adulte de 17 ans, il aimerait bien changer cette allure efféminée qui lui vaut brimades et autres reproches paternels contre un brin de virilité. Sa nouvelle chemise et sa moto devraient cacher ses plus gros complexes, et le samedi soir à venir n’en sera que plus mémorable.

Ce triptyque détonant se retrouvent un samedi 17 juin à l’hôtel de Mick, comme (aurait pu l’écrire notre ami Cabrel) beaucoup d’autres samedis soirs sur la terre. Les verres de bière et les cocktails s’enchaînent, l’aventure peut enfin commencer…

On s’en doute, cette excursion virile croisera sur son chemin une jolie fille brune de 15 ans au gentil minois et à la poitrine ample, de nombreuses pintes, des bandes rivales et un chat peureux. En attendant une chute probablement fatale et sans détour…

Plaidoyer contre les ravages de l’alcool dans le bush australien

Les ravages de l’alcool décrits par Kenneth Cook dans « A coups redoublés » pourraient être lus comme la retranscription d’une société australienne violente pleine d’antagonisme (« John Verdon, instrument d’une société qui avait besoin de viande tout en refusant de la tuer. »). Mais c’est plus que cela. C’est une description factuelle et intransigeante d’une vie rurale isolée, d’âmes à la recherche d’un bonheur accessible à la caisse du bar du Calpe ou dans les chambres de l’étage, de rapports de force permanents sur une piste de danse ou dans un lit.

L’alcoolisme rural est de nos jours un problème non résolu en Australie. La violence qui en découle (violences familiales et conjugales, dommages sur la santé) est parfois redoutable. Kenneth Cook nous décrit sans artefact la société qu’il observait au début des années 70. Cinquante ans plus tard, de nombreuses études montrent que la consommation d’alcool reste un problème majeur pour une partie de la société australienne : pour les aborigènes tout d’abord, mais aussi pour une partie de la population rurale. La tradition des bals des célibataires dans le bush australien en est un exemple : l’alcool y coule à flot et est souvent l’objectif principal des jeunes venus faire la rencontre d’un soir dans leurs pick-up.

Avec les années, l’alcoolisme est devenu un sujet sensible et très controversé en Australie. Kenneth Cook l’a bien compris en écrivant son roman avec deux récits parallèles : le déroulement des faits et le jugement des faits. Afin que chacun puisse se faire son avis.

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