Un expert en cochon sauvage, une Bête diabolique, Kenneth Cook le facétieux nous emmène une nouvelle fois dans des aventures incroyables dans le bush australien. Un roman bien moins bête qu’il n’y parait.
Expert en cochon sauvage, le vrai métier d’Alan Treval
Alan est un homme sérieux : il est du National Departement of Conservation, comme il aime à le dire. Scientifique, il sillonne le bush australien pour étudier les espèces animales domestiques retournées à l’état sauvage (les animaux « marrons »). Hautement expert de ce marronnage, il s’est spécialisé dans l’étude d’une espèce animale bien précise : le cochon sauvage.
Accompagné de son fils musicien, il part à l’aventure dans le bush en 4×4 pour repérer une bête étrange qu’on lui a signalée. Taureaux et vaches éventrés, hommes blessés, cet animal semble décidément bien dangereux. Pire, on lui accorderait une certaine intelligence selon certains. Il déjoue en tout cas les premiers pièges qu’Alan met en place pour le capturer. Son fils commence à douter :
J’ai quand même entendu dire que le cochon est un animal intelligent.
Mais Treval reste un scientifique dans l’âme : « Quand on parle d’intelligence animale », explique-t-il à son fils, « on parle d’un ensemble de réactions instinctives qui varient d’un animal à l’autre ». Il lui semble donc impossible que cette bête encore non identifiée ait l’intelligence permettant de libérer ses congénères du piège qu’on lui a posé. D’autres explications devront être envisagées.
Alan continue son enquête et recoupe les premiers témoignages : la bête semble être totalement noire, à l’exception d’une rayure blanche ornant sa tête. Mais ce qu’il retient surtout, c’est que la bête est décrite comme énorme. Des empreintes semblent d’ailleurs le confirmer, l’animal est bien plus gros qu’un cochon sauvage classique.
La rencontre : l’humain, le diable et la Bête
L’aventure continuera ainsi plusieurs jours dans la bush australien. Dans leur chasse à la Bête, Alan et son fils rencontreront Anne Robbins, une propriétaire terrienne. Les trois humains se mettent ainsi à traquer la Bête la plus diabolique que l’Australie ait pu connaître ces dernières années. A cheval, en avion, ils observent, ils traquent, ils se préparent à la rencontre :
Ils entendirent la bête avant de la voir, et le bruit venait de derrière. Un couinement furieux et un grognement semblable à un rugissement. (…) Sa tête rayée de blanc, sa bosse noire, ses défenses luisant au soleil et son groin levé lui donnaient l’apparence de quelque créature marine d’une cruauté infinie.
Il y eut un grognement délirant, le martèlement incroyablement rapide de sa course, la masse noire de son corps de plus en plus énorme, la tête à rayure blanche collée au sol, la gueule ouverte, les défenses luisantes de bave, les yeux fous, féroces et haineux braquées sur les trois humains.
La Bête n’avait rien à voir avec ce qu’Alan avait imaginé. La bête était autre, ne ressemblant en rien à un cochon sauvage.
Kenneth Cook l’écrivain-biologiste du bush australien
Dans son livre La Bête, Kenneth Cook raconte une aventure à la fois scientifique et burlesque, sensibilisant son lecteur à la fragilité de l’écosystème du bush australien face à la menace des animaux féraux, dits marrons.
Introduits sur les terres d’Australie par les premiers explorateurs blancs venus d’Europe, les chevaux, cochons, chèvres, lapins, chats (mais aussi les renards et autres dromadaires, importés eux aussi…) ont ainsi envahi le bush depuis deux siècles. Ces animaux se comptent en millions dans le désert australien. J’ai d’ailleurs pu en voir de nombreux lors de mes différents voyages en Australie. Les cochons sont très présents dans les zones de marais, les chèvres dans les régions sèches. Ces dernières déciment de nombreux marsupiaux (dont les kangourous les plus gros), ainsi que de nombreuses autres espèces endémiques.
De multiples initiatives ont tenté de réguler ces populations animales, la plus connue étant la Dingo Barrier Fence (barrière à Dingos), une clôture de 5 320 kilomètres (oui, vous avez bien lu, il s’agit de la clôture la plus longue du monde !) afin d’éviter l’intrusion du Dingo dans le Sud de l’Australie.
La Bête est-elle donc pour Kenneth Cook la personnification d’une intelligence animale luttant contre la bêtise humaine passée et présente ? Je n’en saurais pas étonné connaissant l’ironie et les facéties de l’auteur. Soyez donc vigilants si par hasard un cochon sauvage se mettait sur votre chemin dans le bush australien, d’autant plus si vous remarquez une rayure blanche sur sa tête. La Bête n’est pas loin…